Histoire » On célèbre cette année le 500e anniversaire de la Paix perpétuelle signée entre les cantons suisses et la France, à Fribourg, en 1516. Parmi diverses manifestations, une journée officielle et un colloque scientifique se tiendront dans la cité des Zaehringen à la fin de novembre. La Paix perpétuelle fait également l’objet d’un livre des historiens Gérard Miège et Alain-Jacques Tornare. Ce dernier, établi à Marsens, évoque l’importance du traité paraphé il y a un demi-millénaire à Fribourg.

Pourquoi ce livre sur la Paix  perpétuelle entre la France  et les cantons suisses?

Je travaille depuis des dizaines d’années sur l’histoire des relations entre la France et la Suisse. J’estimais qu’il fallait absolument commémorer cet anniversaire important pour Fribourg, qui est à l’origine de cette paix. En 1516, la cité des Zaehringen mérite plus que jamais son titre de ville-pont. Elle est proche de la France et on y parle français. Elle joue le rôle de trait d’union entre le royaume et les cantons helvétiques. C’est un endroit idéal pour signer ce traité qui marque la fin de la guerre.

Quel est alors le contexte  politique?

Les Suisses ont été vaincus par François 1er en 1515 à Marignan. Cette défaite marque la fin de la phase d’expansion territoriale des cantons suisses vers le sud. Ces derniers sont divisés. Contrairement aux cantons occidentaux, ceux de Suisse centrale souhaitaient s’étendre en Italie. Mais ils n’ont tout simplement pas les bases nécessaires pour mener à bien leur projet, et ils sont défaits par les Français à Marignan. En ce sens, la paix de 1516, signée collectivement par tous les cantons – ce qui est nouveau – est un facteur d’unité nationale. Qu’on trouve paradoxalement à l’étranger, chez ce partenaire que devient la France.

Pourquoi la France n’a-t-elle  pas envahi la Suisse après  Marignan?

Les Français savent qu’ils n’ont pas intérêt à le faire. En raison de la topographie montagneuse, la Suisse est un pays difficile à conquérir. Et il faudrait ensuite beaucoup de troupes sur place pour maintenir le calme. La France a donc intérêt à faire de la Suisse un allié, d’autant plus que les deux pays ont un ennemi commun: la Maison d’Autriche.

La Paix perpétuelle fait suite  à la première défaite helvétique de l’histoire. Peut-on réellement commémorer une défaite?

Oui, je pense. Surtout cette défaite-là. Avez-vous déjà vu un traité de paix aussi favorable à un pays qui vient de subir une telle déculottée – Marignan fait plus de 15 000 morts côté suisse, ce qui est énorme au prorata de la population de l’époque? Or c’est comme si la Suisse avait gagné la guerre. Car le but des Français n’est pas d’écraser les Confédérés mais de les empêcher de progresser en Italie du Nord, sur laquelle le royaume a des revendications à faire valoir. Le traité reprend ainsi tous les accords antérieurs et reconnaît les acquisitions récentes de la Suisse, comme le Tessin et la Valteline. Grâce à lui, les cantons recevront par la suite régulièrement des pensions. L’intention de la France est d’obtenir l’adhésion des Suisses à sa politique. Il s’agit aussi de s’assurer une force combattante supplémentaire, qui prend notamment la forme du service mercenaire. Le traité de paix de Fribourg sera ainsi complété d’une alliance militaire, conclue cinq ans plus tard à Lucerne.

En quoi la Paix perpétuelle sera-t-elle profitable pour la Suisse?

Elle lui offre un bouclier contre elle-même et ses nombreuses divisions internes. Il ne faut pas oublier que la Suisse, à cette époque, est un conglomérat d’Etats indépendants. Et dix ans après la Paix perpétuelle, c’est la Réforme. Les cantons sont alors tellement divisés qu’ils ne se rencontrent plus. Sans même parler des guerres civiles qui vont agiter le pays. Il y a bientôt une diète des cantons catholiques et une diète réunissant les protestants. Or le seul qui participe à ces deux rendez-vous, c’est l’ambassadeur de France. Ce dernier fait souvent le lien entre les différentes parties de la Suisse. Il fait office de médiateur à plusieurs reprises. Enfin, en ce qui concerne la politique extérieure, la France est un allié contre la Maison d’Autriche, l’ennemi héréditaire des Confédérés, lequel continue de grimper en Europe.

Cette paix reste largement méconnue du grand public. Pourquoi ce dernier a-t-il  oublié 1516?

L’historiographie helvétique a pendant longtemps occulté volontairement tous les témoignages de la dépendance de la Suisse à son entourage. Les grandes dates liant le pays à l’extérieur ont ainsi été négligées pour exalter les grands moments de l’histoire suisse à proprement parler. La Paix perpétuelle de 1516 a ainsi été oubliée car elle montre que la Suisse dépend beaucoup de la France.

Gérard Miège, Alain-Jacques  Tornare, Suisse et France.  Cinq cents ans de Paix perpétuelle 1516-2016, Ed. Cabédita,  152 pp.

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Un ouvrage célèbre «la paix oubliée»

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