En raison d’un recours au Tribunal fédéral, le début des travaux de construction du Centre de stockage interinstitutionnel est retardé. Les juges ont accordé l’effet suspensif aux opposants au projet de l’Etat de Fribourg.
1 avril 2025 à 16:20, mis à jour à 22:41
Temps de lecture : 4 min
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L’hiver dernier, dans le cadre de la votation populaire sur la construction du Centre de stockage interinstitutionnel (SIC) à Givisiez, les autorités cantonales semblaient confiantes. En cas d’approbation par les citoyens, les travaux devaient commencer ce printemps. Or, si le «oui» l’a emporté le 9 février, le premier coup de pioche n’est pas pour demain. Déboutés peu avant le scrutin par le Tribunal cantonal, les opposants ont décidé de faire recours au Tribunal fédéral. Et ils ont obtenu l’effet suspensif, ce qui signifie que le projet est bloqué jusqu’à ce que les juges de Mon-Repos se prononcent sur le fond.
La tuile? Sollicitée pour une réaction à cet imprévu au calendrier annoncé, la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l’environnement (DIME) reste prudente. «Le début des travaux était prévu dans le courant du printemps. Il n’a donc pas encore eu lieu», répond la DIME par écrit. Quant aux conséquences d’un retard, elle répond «qu’elles sont en cours d’analyse».
« Le projet de l’Etat n’est pas conforme à la zone »
Avocat des opposants, à savoir une société et un privé voisins du bâtiment envisagé, Me Julien Guignard déclare qu’il ne peut se satisfaire de l’arrêt du Tribunal cantonal. «Il s’agit d’une parcelle importante, au cœur de la zone industrielle de Givisiez. Or, nous estimons que le projet de l’Etat de Fribourg n’est pas conforme à cette zone. Sur certains aspects, le TC avance des arguments sans apporter de preuves», répond-il, sans cacher que la future construction, par son ampleur et son esthétique, aura aussi des conséquences sur les activités de ses clients. «Sur ce point, nous avons tenté de discuter avec les autorités cantonales mais n’avons jamais eu de réponses à nos sollicitations», regrette-t-il.
Le Centre de stockage interinstitutionnel a pour vocation d’abriter les archives et collections de diverses institutions fribourgeoises, dont la Bibliothèque cantonale universitaire ou encore le Musée d’art et d’histoire. Leur patrimoine est actuellement éparpillé dans différents lieux, dans des conditions pas toujours adaptées. Les regrouper sur un seul site permettra à l’Etat d’économiser des charges de location mais surtout de mettre à l’abri des biens précieux.
Devisée à 68,2 millions, la future bâtisse ne sera pas accessible au public. Cependant, elle ne passera pas inaperçue. Selon les plans fournis par la DIME lors de la mise à l’enquête, la surface au sol est similaire à celle d’un terrain de football standard. Il y aura six niveaux pour une hauteur hors-sol de 21 mètres. Le volume représente 170 villas individuelles. Deux postes de travail, l’un à 30% l’autre à 50%, devraient suffire pour son fonctionnement car il s’agira essentiellement d’un lieu de stockage et qu’il reviendra à chaque institution de gérer ses propres collections, écrit le Conseil d’Etat dans son message.
Ces détails, répétés durant la campagne en vue de la votation, ont toute leur importance car les opposants pointent l’inadéquation entre ce projet et la vocation de la zone d’implantation à Givisiez. Le projet d’agglomération (PA4) retient qu’il s’agit d’un secteur orienté vers les services, les activités techniques et scientifiques, ainsi que l’industrie et l’artisanat. De son côté, le Plan directeur cantonal mentionne les potentialités de cette zone pour l’accueil d’entreprises à vocation supracantonale. Pour Me Julien Guignard, le SIC n’entre pas dans ces descriptifs et devrait se situer dans une zone d’intérêt général.
En janvier dernier, le Tribunal cantonal avait balayé les griefs contre le projet, rappelant que cette zone d’activités de Givisiez ne fait partie d’aucun secteur stratégique au sens du Plan directeur cantonal et n’est donc pas soumise aux mêmes exigences. Concernant l’aspect supracantonal, il notait: «en collaborant avec d’autres institutions cantonales et fédérales, le SIC accroîtra la visibilité du canton de Fribourg aux niveaux national et international. Il participera ainsi à la dynamisation et à la diversification de la zone d’activités». Pour Me Julien Guignard, c’est un peu court. Pour lui, la motivation du Tribunal cantonal est insuffisante et lacunaire. «Cette question doit être traitée par le Tribunal fédéral», estime-t-il.
Comment interpréter l’effet suspensif accordé aux recourants par le Tribunal fédéral? «Je n’en fais pas une victoire d’étape», répond l’avocat, qui relève qu’il aurait été très risqué, pour l’Etat, de démarrer des travaux de cette ampleur avant d’avoir la décision définitive. «Imaginez ce qu’il adviendrait si le chantier démarre comme prévu, puis que le TF nous donne raison!»
Le Centre de stockage interinstitutionnel (SIC) n’est pas encore construit qu’il a déjà une longue histoire. L’Etat de Fribourg a en effet étudié de nombreuses variantes avant de décider de son implantation à Givisiez, à la route André Piller, sur un terrain de 6000 m2 dont il est propriétaire, situé à côté des Services de l’informatique et des télécommunications (SITel).
Dans un premier temps, les collections de la Bibliothèque cantonale et universitaire devaient être entreposées dans les sous-sols du bâtiment mais les négociations avec l’Albertinum, propriétaire du jardin convoité, ont capoté en raison de divergences sur le prix des terrains. Décision a alors été prise de chercher une autre solution et de regrouper dans un même lieu les archives et collections d’autres institutions culturelles cantonales. Le projet a ainsi pris de l’ampleur.
En 2016, le Grand Conseil a accepté un crédit pour l’acquisition du bâtiment Schumacher à Schmitten. Mauvaise pioche. Des difficultés techniques ont contraint le Conseil d’Etat à abandonner cette piste. L’année suivante, un terrain à Domdidier semblait tout désigné. Le message a été transmis au Grand Conseil avant d’être retiré car une entreprise voisine voulait également acquérir la parcelle visée pour agrandir son centre de production.
Le choix de construire le SIC à Givisiez date de 2019. Lors de cette annonce, le Conseil d’Etat indique que sans opposition, le bâtiment sera disponible en 2023. La procédure a été retardée par des recours contre l’adjudication des travaux. Aujourd’hui, le début des travaux est encore retardé en raison d’un recours au Tribunal fédéral.
MAG