Pour les années à venir, aucun combattant ne paraît suffisamment «mûr» pour assurer leur succession en élites, à l’échelon international s’entend. A moyen terme, par contre, avec plusieurs jeunes présents dans les cadres nationaux juniors ou espoirs, le vivier fribourgeois garde un potentiel intéressant.

Parmi les athlètes qui pointent le bout de leur nez, le nom de Manon Monnard (16 ans) revient avec insistance. Pour sa première saison sur le circuit Coupe d’Europe espoirs (M18), la combattante de Judo Attalens s’est classée à six reprises dans le top 9 de la catégorie des –48 kg. Cette régularité lui a ouvert les portes de ses premiers championnats d’Europe, tournoi qu’elle disputera le 1er juillet à Helsinki. «C’est mon premier grand championnat et il me tient très à cœur. Cette qualification, c’était l’objectif de ma saison.»

Métro, yuko, dodo

Une dizaine de séances d’entraînement par semaine, réparties entre le dojo de son club de toujours – Attalens –, et le Centre régional de performance romand (CRPR), des rendez-vous itinérants dont elle fréquente les étapes lausannoises et yverdonnoises: en dehors de ses études au Collège du Sud à Bulle, Manon Monnard passe sa vie sur les tatamis et dans les transports publics. En Suisse, c’est le prix à payer pour régater avec les meilleurs. Et il est élevé. «Aller et retour, il faut compter environ trois heures de train pour un entraînement à Yverdon.» Métro, yuko, dodo. Ce rythme effréné, en complet décalage avec celui des adolescentes de son âge, Manon Monnard l’accepte. Mieux, elle s’en est fait un allié. «J’ai commencé à l’âge de quatre ans, tout naturellement. A Attalens, il y a le foot, la gym et le judo. Au départ, l’approche est très ludique, et j’ai tout de suite croché. Aujourd’hui, mon rapport au judo a changé: je ne peux pas m’imaginer pratiquer ce sport sans l’aspect compétition. J’ai besoin de ça pour avancer. Le plaisir est là, et même lorsque je traverse des périodes un peu plus compliquées, je ne m’imagine pas faire autre chose, ou lever le pied.»

C’est cette abnégation et cette soif d’apprendre qui caractérisent la double championne de Suisse espoirs. Visage d’ange et tête dure. Tant son entraîneur de club, l’ancien international français Jérôme Guyot, que le sélectionneur national M18 Dominique Hischier insistent sur les qualités de battante dont fait preuve la nouvelle citoyenne de Vuadens. «Techniquement, elle est au-dessus de la moyenne, sinon elle ne serait pas là. Mais Manon, c’est d’abord une fille volontaire, très demandeuse. Elle a envie de s’entraîner et d’apprendre», souligne Dominique Hischier. «C’est une guerrière. Elle ne s’arrête jamais et elle est toujours à l’écoute, abonde Jérôme Guyot. Pour un entraîneur, c’est un vrai bonheur de travailler avec une athlète comme Manon. Qui plus est, pour les plus jeunes du club, c’est une fierté de la croiser au dojo.»

Ne pas se projeter trop loin

A 16 ans, une judoka n’a pas encore atteint sa maturité. Ni technique, ni physique. «Elle doit prioritairement travailler sa finition et gommer les défauts d’attention qui lui ont souvent joué des tours, relève l’entraîneur de Judo Attalens. A 12-13 ans, lors d’un tournoi écoliers à Morges durant lequel elle avait «ouvert» ses adversaires les unes après les autres, elle m’avait impressionné par la maturité de son judo. Sa maîtrise est assez bluffante pour une fille de son âge.

Reste qu’elle a encore une grosse marge de progression.» Suffisant pour imaginer Manon Monnard s’imposer un jour en élites? Inutile de tirer des plans sur la comète. «Le corps change. L’environnement (études, formation) également, poursuit Dominique Hischier. Cela va dépendre de l’attitude, plutôt que du talent.»

En attendant, Manon Monnard s’accroche à son rêve. Celui de rouler sur les mêmes rails que «Babeth» Aubert et Séverine Guyot (Dewarrat), ces femmes qui ont façonné l’histoire du judu-club Attalens. Le train est en marche, mais impossible de donner sa destination finale. Prochain arrêt, Helsinki.

Bio Express

2000

Naissance à Vevey

2004

Ses débuts dans le judo à Attalens, avec l’inénarrable «Babeth» Aubert.

2014 et 2015

Championne de Suisse espoirs (M18) en –48 kg.

2015

Championne de France cadette de 2e division en –48 kg (elle est double nationale).

2016

Premier podium en Coupe d’Europe espoirs (3e à Eindhoven), suivi de deux 5e rangs à Bielsko (Pol) et Berlin. Sélection pour les championnats d’Europe espoirs.

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Une gueule d’ange et une tête dure

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