Votre texte donne dix ans à la Suisse pour réduire son impact environnemental. C’est court. Est-ce vraiment réaliste?

Le problème c’est qu’avec les questions écologiques, plus le temps passe, plus la situation empire. Donc le temps est le facteur décisif pour que le pays réussisse une transition acceptable. Si nous votons aujourd’hui sur notre initiative, il faudrait que le changement soit réalisé d’ici à 2033. Or 2033, c’est déjà trop tard! Il est scientifiquement prouvé que c’est d’ici à 2030 qu’il faut des changements radicaux. Je rappelle aussi que la Suisse a signé des accords internationaux dans lesquels il y a des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Notre initiative s’inscrit aussi dans ces cadres-là.

Vous dites que la mise en œuvre doit être socialement acceptable. Cela veut-il dire que vous comptez toucher le moins possible au confort de la population?

Ce n’est pas une question de confort, mais de justice sociale. Avec notre initiative, nous ne voulons pas que les mesures prises touchent les classes populaires, mais qu’elles soient proportionnelles au degré de pollution. Il est connu que les personnes les plus riches et les grosses multinationales sont davantage à l’origine des dommages environnementaux, ce sont donc elles qui sont visées en premier.

Que répondez-vous à ceux qui disent que la Suisse ne peut pas régler seule le dépassement des limites planétaires à l’échelle mondiale?

Je leur réponds deux choses: d’une part qu’en Suisse, nous avons les moyens de mettre en œuvre une transition écologique et de devenir un modèle – ce serait d’ailleurs génial que la Suisse se montre pionnière. D’autre part que la Suisse est un petit pays très aisé qui est proportionnellement responsable d’énormément de pollution. En Europe, nous sommes le troisième pays avec la plus grande empreinte écologique par habitant.

Vous prônez des investissements majeurs dans la transition écologique. N’est-ce pas ce qui est déjà proposé au parlement, comme les deux milliards pour le remplacement des chauffages ou l’offensive pour le solaire?

Non, pas du tout. Ces mesures sont généralement à saluer, mais elles ne vont pas assez loin. Rendez-vous compte: nous sommes en train d’augmenter le budget de l’armée de plusieurs milliards de francs alors que le dépassement des limites planétaires est plus dangereux pour la population, que ce soit à court, moyen et long terme.

«Cette initiative couvre tous les thèmes environnementaux. Elle est donc beaucoup plus globale que les autres.»
Margot Chauderna

Etes-vous prêts à transiger avec la protection du paysage ou la biodiversité pour atteindre les objectifs de transition?

Je pense qu’il faut trouver les meilleurs compromis possibles, mais pas pour la biodiversité, qui est justement l’une des limites planétaires. La disparition des espèces animales et végétales déséquilibre les systèmes et met donc en danger l’humanité tout entière.

Et de nouvelles taxes?

Oui, mais seulement si elles sont socialement justes, donc si elles touchent les multinationales et les personnes les plus riches.

N’avez-vous pas peur de ne proposer finalement qu’une énième initiative climatique qui va se casser les dents au parlement puis devant le peuple?

D’abord, le rejet des initiatives est un phénomène général qui ne touche pas seulement les textes liés au climat. Cela dit, cette thématique reste la première préoccupation des Suisses. C’est bien la preuve qu’il faut faire quelque chose et vite, car l’urgence est toujours plus urgente. De plus, cette initiative couvre tous les thèmes environnementaux. Elle est donc beaucoup plus globale que les autres.

A Berne, on parle plus de la guerre et de ses conséquences que du climat et des limites planétaires. Espérez-vous réussir à recentrer le débat d’ici les élections fédérales de l’automne?

Evidemment, notre initiative doit permettre de placer le climat et les limites planétaires au centre du débat. Elle montre déjà que les Jeunes Verts sont là, un pied dans le militantisme et l’autre dans la politique institutionnelle.

Cela dit, la nature nous rappelle elle-même avec toujours plus d’insistance qu’il faut agir. D’ici l’automne, il y aura malheureusement des actualités climatiques catastrophiques. Par exemple, aujourd’hui déjà, nous entendons parler des sécheresses hivernales en Europe qui auront un impact négatif sur les récoltes de l’année.

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«Perte massive de bien-être». Une initiative des Jeunes Verts ne plaît pas (du tout) à la droite

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