Croiser le regard des auteurs, c’est risquer de leur devoir quelque chose. Notre journaliste Jonas Ruffieux l’a expérimenté au Salon du livre de Genève, de l’autre côté du stand.
16 avril 2025 à 17:26, mis à jour à 23:43
Temps de lecture : 1 min
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Elle n’ose pas partir. Parce qu’elle m’aime, mais aussi parce qu’elle a pitié de moi. Alors elle s’attarde un peu, puis finit par s’éloigner. «Juste faire un tour.» Je reste. J’attends, inactif, en silence. Les passants ne me regardent pas: croiser mon regard, c’est risquer de me devoir quelque chose. Une pièce, un sourire, de l’intérêt. Moi, je les regarde, je n’ai rien à perdre. Coup d’œil à ma droite. Ils sont six, mes semblables, côte à côte. Personne ne les regarde non plus. Mais eux sont six. La pile de livres préparée par mon éditeur reste inaltérée. L’attachée de presse tente une offensive en arrêtant une dame dont le pas ralentissait. Elle lui pitche l’histoire du bouquin. «Peut-être une autre fois», répond poliment la non-intéressée. «J’aurai essayé», souffle l’employée, gênée de m’avoir fait venir jusqu’au Salon du livre de Genève pour rien. Mais ce n’était pas pour rien. Maintenant, je peux raconter la vérité d’une séance de dédicace, quand on ne s’appelle pas Joël Dicker.